samedi 2 juin 2007

L'oubli de la dette

La question de la dette a été posée au cours de la campagne présidentielle. Elle est le remords d'une société qui lègue à ses enfants, voire à ses petits-enfants, le soin de rembourser ses dépenses quotidiennes. On en parle nettement moins à l'approche des élections législatives, d'autant que celui qui la dénonçait le plus, François Bayrou, a pratiquement disparu du paysage.

La dette était l'invitée surprise, mercredi 30 mai, de l'émission d'ordinaire moins grave de Frédéric Taddeï, Ce soir ou jamais, sur France 3. On commençait par la décision de Nicolas Sarkozy d'étendre la déduction fiscale des intérêts à tous les emprunts en cours pour l'acquisition d'une résidence principale. "Cette réduction d'impôts vise à pousser les Français à s'endetter, puisqu'on les pousse à emprunter pour leur logement. Donc on creuse la dette de l'Etat pour inciter les gens à s'endetter, ce qui n'est d'ailleurs pas déraisonnable, puisque s'endetter pour acheter un logement est une très bonne chose", expliquait Jacques Attali. Ce double visage, souriant et grimaçant, de la dette allait revenir pendant toute l'émission au point de donner le tournis. "La dette de l'Etat sert à deux choses, positive et négative. Elle sert à des choses positives quand elle sert à construire l'avenir, quand elle est utilisée, par exemple, pour construire des routes, des ponts ou pour payer des professeurs. Par contre, quand elle sert à financer des activités quotidiennes, alors là ce sont les impôts de nos petits-enfants qui payent notre bien-être. Si on fait cette distinction, on s'aperçoit que la dette de l'Etat est élevée, mais loin d'être tragique", poursuivait Jacques Attali. Quel est son montant, justement ? Un peu plus de 1000 milliards d'euros, comme on le dit souvent ? "Elle n'est pas de 1000 milliards, mais plutôt de 1200 milliards. Il faut y ajouter les engagements à payer les retraites des fonctionnaires, soit 900 milliards", affirmait l'historien Jacques Marseille. "Ce n'est pas une dette", l'interrompait l'économiste Michel Aglietta. "Si, c'est une dette. Il faut les provisionner. Il faudra les payer", tranchait Jacques Marseille. On avait l'impression que les convictions, dans ce domaine, relevaient autant des tempéraments que des analyses. Frédéric Taddeï, qui joue volontiers au Huron, posait une question naïve : qui a prêté cet argent ? Auprès de qui l'Etat s'endette-t-il ainsi, tous les jours, d'une façon aussi discrète qu'indolore ? Pour la première fois, l'an dernier, un peu plus de la moitié de l'argent emprunté par le Trésor public l'a été à l'étranger.

Une ligne a été franchie. Mais l'heure est aux cadeaux. On reparlera de la dette lorsque les législatives seront passées.

Dominique Dhombres

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