mardi 14 août 2007

Manifeste de Gagner 2012

Le texte que voici n'est pas particulièrement favorable à Ségolène Royal, loin s'en faut. Je le publie tout de même, car cette critique me semble nettement plus balancée et constructive que les attaques revanchardes et sans nuances d'un Laurent Fabius. En outre, la création du blog Gagner 2012 en juin dernier me semble une bonne chose. Même s'il s'agit d'une tribune animée notamment par le fabiusien Guillaume Bachelay et par François Kalfon, proche de DSK, leur manifeste partage au moins avec Désirs d'avenir le souci d'un dépassement des vieux courants...

Nous sommes les enfants du 21 avril 2002 et du 6 mai 2007. Nous appartenons à une génération pour qui les victoires de la gauche sont de plus en plus lointaines, alors que ses échecs se font toujours plus cruels. Nous voulons que cela cesse.

Nous voulons que les socialistes et la gauche se remettent en capacité de convaincre une majorité de Français. Nous voulons gagner en 2012.

Une certaine conception de la politique nous rapproche : nous croyons à la force des idées ; nous ne pensons pas que l'image puisse remplacer le message, ni les sondages la réflexion politique. Nous sommes attachés aux vertus du travail intellectuel et militant. Nous pensons que le PS a bien sûr besoin d'un leadership fort, mais nous ne croyons qu'aux ambitions collectives.

Cette nouvelle défaite, il faut la regarder en face. Ensemble, les socialistes devront comprendre comment, pour la première fois depuis 1981, l'alternance n'a pas été possible alors que s'exprimait dans le pays une puissante demande de changement. Nous participerons à ce travail, sans esprit de revanche, mais avec une volonté de renouveau. Nous serons exigeants. Nous refusons d'être une génération de témoignage.

Commençons ce travail d'inventaire.

L'élection présidentielle est à la fois le choix d'une personne pour «faire le job» et d'un projet pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

S'agissant du premier point, force est de constater que les électeurs ont jugé le candidat de la droite plus convaincant que la candidate du Parti socialiste. Alors que l'on nous prédisait «un référendum anti-Sarkozy», c'est finalement notre candidate qui a polarisé l'élection à son détriment. Les choix de forme et de fond faits lors de la campagne participative puis à l'occasion du débat du second tour ne sont pas étrangers à cet échec personnel. L'orientation sociétale et morale décidée par notre candidate n'a pas convaincu une majorité de Français qui attendaient d'abord des propositions économiques et sociales. Le second tour des législatives a confirmé la pertinence de ce terrain pour le PS.

Mais, désormais, c'est surtout le projet qui nous importe. Les lacunes de l'offre politique de Ségolène Royal pendant la campagne ont aussi reflété celles du projet socialiste.

Entre 2002 et 2007, la vie du PS a été rythmée par des déchirements fratricides, comme sur l'Europe, et des synthèses molles, comme au Congrès du Mans. Les clivages idéologiques internes, toujours plus exacerbés, ont freiné le renouvellement. Résultat, nous n'avons pas pu nous doter d'une doctrine à même de rassembler l'ensemble des électeurs de gauche et au-delà.

Quand Sarkozy a su faire la jonction entre l'électorat de la droite et celui de l'extrême-droite sans s'aliéner les voix du centre, nous avons nous fait des soustractions. Politiquement, le PS a un grave problème d'alliances, qui ne pourra pas se résoudre par des appels du pied artificiels à François Bayrou. Sociologiquement, son électorat s'est réduit aux cités et aux bobos, avec une déperdition dans les couches populaires et moyennes. Cela, alors même que nous étions aidés par la volonté des électeurs de gauche de ne pas voir se répéter un 21 avril-bis et qu'une grande partie des électeurs des quartiers a voté contre Sarkozy et non pas pour notre candidate.

Il nous semble donc urgent de reconstruire notre logiciel. Il ne s'agit pas d'être «plus» ou «moins» à gauche, mais mieux à gauche. Il ne s'agit pas d'hésiter entre la tradition et la modernité mais de répondre concrètement aux aspirations des Français. Il ne s'agit pas de creuser nos contradictions, mais de les dépasser.

Pour cela, nous voulons :
  • redéfinir nos valeurs. Avec Sarkozy, c'est une droite décomplexée et qui assume clairement ses valeurs qui l'a emporté. Face à cela, qu'il s'agisse de l'héritage de mai 68, du rôle de l'Etat, de la solidarité, la gauche semble sur la défensive. Or, pour nous, ce sont bel et bien les valeurs de la gauche qui permettront à la France et aux Français de mieux vivre ensemble dans la mondialisation. La gauche doit donc redéfinir son projet historique. Il nous faut repenser la liberté et à la responsabilité, l'égalité et la fraternité, la laïcité et la sûreté, la créativité et l'innovation.
  • dépasser les points de clivage qui ont divisé les socialistes depuis 2002 et même avant : sur l'Europe et la mondialisation ; la croissance et le travail ; la fiscalité et la redistribution ; la sécurité et les libertés ; l'immigration et les identités… les socialistes doivent désormais apporter des réponses claires et crédibles.
  • inventer de nouvelles façons de militer : nous ne pouvons plus être enfermés dans nos sections et cantonnés dans nos courants, mais nous ne voulons pas, pour autant, devenir un parti de supporters et de godillots. Le PS doit être un parti de masse qui réfléchit, diversifie, rajeunit.

C'est pourquoi, bien qu'issus de courants différents du Parti socialiste, nous avons décidé de nous rencontrer le lundi 18 juin pour ouvrir un dialogue autour de ces enjeux essentiels pour l'avenir de la gauche. Ce dialogue, nous le poursuivrons à travers ce site et d'autres rencontres plus larges. Ainsi, nous entendons prendre part au travail de notre génération pour la reconstruction d'une gauche capable d'effacer le double traumatisme de 2002 et 2007 et de gagner en 2012.

Vendredi 22 Juin 2007